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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Georges, on y verra que la morale et la liberté n’ont cessé de faire des progrès. C’est un beau spectacle que cette constitution, vacillante encore en sortant du port, comme un vaisseau qu’on lance à la mer, et déployant enfin ses voiles, en donnant l’essor à tout ce qu’il y a de grand et de généreux dans l’âme humaine. Je sais que les Anglois prétendront qu’ils ont eu de tout temps plus d’esprit de liberté que les François ; que, dès César, ils ont repoussé le joug des Romains, et que le code de ces Romains, rédigé sous les empereurs, ne fut jamais introduit dans les lois angloises ; il est également vrai qu’en adoptant la réformation, les Anglois ont fondé tout à la fois, d’une manière plus ferme, la morale et la liberté. Le clergé, ayant toujours siégé au parlement avec les seigneurs laïques, n’a point eu de pouvoir distinct dans l’état, et les nobles anglois se sont montrés plus factieux, mais moins courtisans que les nobles françois. Ces différences, on ne sauroit le nier, sont à l’avantage de l’Angleterre. En France, la beauté du climat, le goût de la société, tout ce qui embellit la vie, a servi le pouvoir arbitraire, comme dans les pays du midi où les plaisirs de l’existence suffisent à l’homme. Mais, une fois que le besoin de la