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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

soit ; mais Kirke, après avoir passé la nuit avec elle, lui fit voir le lendemain, par la fenêtre, le frère adoré pour lequel elle avoit sacrifié sa vertu, pendu à un gibet qu’on avoit élevé secrètement pendant la nuit. La rage et le désespoir s’emparèrent de cette malheureuse fille, et la privèrent de sa raison. Le pays entier, sans distinction de coupable et d’innocent, fut exposé aux ravages de ce barbare. Les soldats furent lâchés pour y vivre à discrétion ; et son propre régiment, instruit par son exemple, excité par ses exhortations, se distingua par des outrages recherchés. Il les nommoit ironiquement ses agneaux, terme dont le souvenir s’est conservé long-temps avec horreur dans cette partie de l’Angleterre. L’implacable Jefferies lui succéda bientôt, et fit voir que les rigueurs judiciaires peuvent égaler ou surpasser les excès de la tyrannie soldatesque. Cet homme, qui se livroit par goût à la cruauté, s’étoit déjà fait connaître dans plusieurs procès auxquels il avoit présidé. Mais il partoit avec une joie sauvage pour cette nouvelle commission, qui lui présentoit une moisson de mort et de destruction. Il commença par la ville de Dorchester, où trente rebelles furent