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CONSIDÉRATIONS

discours, sans qu’ils acquièrent plus de vérité la centième fois qu’on les prononce.

Les François, dit-on, sont frivoles, les Anglois sont sérieux, les François sont vifs, les Anglois sont graves ; donc il faut que les premiers soient gouvernés despotiquement, et que les autres jouissent de la liberté. Il est vrai que si les Anglois luttoient encore pour cette liberté, on leur trouveroit mille défauts qui s’y opposeroient ; mais le fait chez eux a réfuté l’argument. Dans notre France les troubles sont apparens, tandis que les motifs de ces troubles ne peuvent être compris que par les hommes qui pensent. Les François sont frivoles, parce qu’ils ont été condamnés à un genre de gouvernement qui ne pouvoit se soutenir qu’en encourageant la frivolité ; et, quant à la vivacité, les François en ont dans l’esprit bien plus que dans le caractère. Il y a chez les Anglois une impétuosité d’une nature beaucoup plus violente ; et leur histoire en offre une foule de preuves. Qui auroit pu croire, il y a moins de deux siècles, que jamais un gouvernement régulier pût s’établir chez ces factieux insulaires ? On ne cessoit alors, sur le continent, de les en déclarer incapables. Ils ont déposé, tué, renversé plus de rois, plus de princes et plus de