Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
CONSIDÉRATIONS

d’un perfectionnement social du désir de s’améliorer soi-même ; et, pour me servir du titre de l’ouvrage de Bossuet, dans un sens différent de celui qu’il lui donne, la politique est sacrée, parce qu’elle renferme tous les mobiles qui agissent sur les hommes en masse, et les rapprochent ou les éloignent de la vertu.

Nous ne pouvons nous le dissimuler cependant, l’on n’a encore acquis en France que peu d’idées de justice. On n’imagine pas qu’un ennemi puisse avoir droit à la protection des lois, quand il est vaincu. Mais dans un pays où, pendant si longtemps, la faveur et la disgrâce ont disposé de tout, comment sauroit-on ce que c’est que des principes ? Le règne des cours n’a permis aux François que le développement des vertus militaires. Une classe très-resserrée se mêloit seule des affaires civiles ; et la masse de la nation, n’ayant rien à faire, n’a rien appris, et ne s’est point exercée aux vertus politiques. L’une des merveilles de la liberté angloise, c’est la multitude d’hommes qui s’occupent des intérêts de chaque ville, de chaque province, et dont l’esprit et le caractère sont formés par les occupations et les devoirs de citoyen. En France, on n’avoit l’occasion de s’exercer qu’à