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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

peut acquérir ces vertus qu’après avoir joui de la liberté, puisque l’effet ne sauroit précéder la cause. La première qualité d’une nation qui commence à se lasser des gouvernemens exclusifs et arbitraires, c’est l’énergie. Les autres vertus ne peuvent être que le résultat graduel d’institutions qui aient duré assez long-temps pour former l’esprit public. Il y a eu des pays, comme l’ancienne Égypte, où la religion, s’étant identifiée avec la politique, a imprimé aux mœurs et aux habitudes des hommes un caractère passif et stationnaire. Mais en général on voit les nations se perfectionner, ou se détériorer suivant la nature de leur gouvernement. Rome n’a point changé de climat, et cependant depuis les Romains jusqu’aux Italiens de nos jours, on peut parcourir toute l’échelle des modifications que les hommes subissent par la diversité des gouvernemens. Sans doute, ce qui constitue la dignité d’un peuple, c’est de savoir se donner le régime qui lui convient ; mais cette œuvre peut rencontrer de grands obstacles ; et l’un des plus grands est sans doute la coalition des vieux états européens pour arrêter le progrès des idées nouvelles. Il faut donc juger avec impartialité les difficultés et les efforts, avant de pro-