Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
CONSIDÉRATIONS

la France, et de considérer le reste de la nation comme des factieux.

C’est sous un point de vue plus philosophique et plus impartial que nous examinerons ce qu’on entend par un peuple fait pour être libre. Je répondrai simplement : C’est celui qui veut l’être. Car je ne crois pas qu’il y ait dans l’histoire l’exemple d’une volonté de nation qui n’ait pas été accomplie. Les institutions d’un pays, toutes les fois qu’elles sont au-dessous des lumières qui y sont répandues, tendent nécessairement à s’élever au même niveau. Or, depuis la vieillesse de Louis XIV jusqu’à la révolution françoise, l’esprit et la force ont été chez les particuliers, et le déclin dans le gouvernement. Mais, dira-t-on, les François, pendant la révolution, n’ont pas cessé d’errer entre les folies et les forfaits. S’il en étoit ainsi, il faudroit s’en prendre, je ne saurais trop le répéter, à leurs anciennes institutions politiques ; car ce sont elles qui avoient formé la nation ; et si elles étoient de nature à n’éclairer qu’une classe d’hommes, et à dépraver la masse, elles ne valoient assurément rien. Mais le sophisme des ennemis de la raison humaine, c’est qu’ils veulent qu’un peuple possède les vertus de la liberté avant de l’avoir obtenue ; tandis qu’il ne