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CONSIDÉRATIONS

triomphe sur l’étranger, on étoit certain d’être asservi dans l’intérieur ; la double force qui auroit fait repousser l’ennemi et renverser le despote, n’existoit plus dans une nation qui n’avoit conservé que du nerf militaire ; ce qui ne ressemble point à l’esprit public.

D’ailleurs, parmi ses adhérens mêmes, Bonaparte a recueilli les fruits amers de la doctrine qu’il avoit semée. Il n’avoit exalté que le succès, il n’avoit préconisé que les circonstances ; dès qu’il s’agissoit d’opinion, de dévouement, de patriotisme, la peur qu’il avoit de l’esprit de liberté le portoit à tourner en ridicule tous les sentimens qui pouvoient y conduire. Il n’y a pourtant que ces sentimens qui donnent de la persévérance, qui rattachent au malheur ; il n’y a que ces sentimens dont la puissance soit électrique, et qui forment une association d’une extrémité d’un pays à l’autre, sans qu’on ait besoin de se parler pour être d’accord. Si l’on examine les divers intérêts des partisans de Bonaparte et de ses adversaires, on s’expliquera tout de suite les motifs de leurs dissentimens. Dans le midi comme dans le nord, les villes de fabriques étoient pour lui ; les ports de mer étoient contre lui, parce que le blocus continental avoit favorisé les manufactures, et détruit le commerce. Toutes les