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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

qui l’a vaincu, celui qui n’a pas encore fait une faute, ni perdu l’occasion d’un triomphe, Wellington ne sera dans sa patrie qu’un citoyen sans pareil, mais aussi soumis à la loi que le plus obscur des hommes.

J’oserai le dire cependant, notre France n’auroit peut-être pas succombé, si tout autre que Bonaparte en eût été le chef. Il étoit très-habile dans l’art de commander une armée, mais il ne lui étoit pas donné de rallier une nation. Le gouvernement révolutionnaire lui-même s’entendoit mieux à faire naître l’enthousiasme, qu’un homme qui ne pouvoit être admiré que comme individu, mais jamais comme défenseur d’un sentiment ni d’une idée. Les soldats se sont très-bien battus pour Bonaparte, mais la France, à son retour, a peu fait pour lui. D’abord, il y avoit un parti nombreux contre Bonaparte, un parti nombreux pour le roi, qui ne croyoit pas devoir résister aux étrangers. Mais quand on auroit pu convaincre tous les François que, dans quelque situation que ce soit, le devoir d’un citoyen est de défendre l’indépendance de la patrie, personne ne se bat avec toute l’énergie dont il est capable, quand il s’agit seulement de repousser un mal, et non d’obtenir un bien. Le lendemain du