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CONSIDÉRATIONS

CHAPITRE XV.

De la chute de Bonaparte.

JE n’ai point encore parlé du guerrier qui a fait pâlir la fortune de Bonaparte, de celui qui, depuis Lisbonne jusqu’à Waterloo, l’a poursuivi comme cet adversaire de Macbeth, qui devoit avoir des dons surnaturels pour le vaincre. Ces dons surnaturels ont été le plus noble désintéressement, une inébranlable justice, des talens qui prenoient leur source dans l’âme, et une armée d’hommes libres. Si quelque chose peut consoler la France d’avoir vu les Anglais au sein de sa capitale, c’est qu’elle aura du moins appris ce que la liberté les a faits. Le génie militaire de lord Wellington ne sauroit être l’œuvre de la constitution de son pays ; mais la modération, mais la noblesse de sa conduite, la force qu’il a puisée dans ses vertus, lui viennent de l’air moral de l’Angleterre ; et ce qui met le comble à la grandeur de ce pays et de son général, c’est que, tandis que sur le sol ébranlé de la France les exploits de Bonaparte ont suffi pour en faire un despote sans frein, celui