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CONSIDÉRATIONS

chambre des pairs. L’imitation de la constitution angloise, si souvent recommandée, avoit enfin saisi les esprits françois, et, comme toujours, ils ont porté cette idée à l’extrême ; car une pairie ne peut pas plus se créer du soir au lendemain qu’une dynastie ; il faut, pour une hérédité dans l’avenir, une hérédité précédente. Vous pouvez sans doute, je le répète, associer des noms nouveaux aux noms anciens, mais il faut que la couleur du passé se fonde avec le présent. Or, que signifioit cette antichambre des pairs, dans laquelle se plaçoient tous les courtisans de Bonaparte ? Il y en avoit parmi eux de fort estimables ; mais on en pouvoit citer dont les fils auroient demandé qu’on leur épargnât le nom de leur père, au lieu de leur en assurer la continuité. Quel élément pour fonder l’aristocratie d’un état libre, celle qui doit mériter les égards du monarque aussi bien que du peuple ! Un roi fait pour être respecté volontairement trouve sa sécurité dans la liberté nationale ; mais un chef redouté, qu’une moitié de la nation repousse, et que l’autre n’appelle que pour en obtenir des victoires, pourquoi cherchoit-il un genre d’estime qu’il ne pouvoit jamais obtenir ? Bonaparte, au milieu de toutes les entraves qu’on lui a imposées, n’a pu montrer le gé-