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CONSIDÉRATIONS

tières, un homme qui avoit en horreur les idées abstraites et les barrières légales, il falloit qu’il fût en campagne quatre jours après son arrivée à Paris, avant que les préparatifs des alliés fussent faits, et surtout pendant que l’étonnement causé par son retour ébranloit encore les imaginations. Il falloit qu’il soulevât les passions des Italiens et des Polonais ; qu’il promît aux Espagnols d’expier ses fautes, en leur rendant leurs cortès ; enfin, qu’il prît la liberté comme arme et non comme entrave.

Quiconque est loup agisse en loup,
C’est le plus certain de beaucoup.

Quelques amis de la liberté, cherchant à se faire illusion à eux-mêmes, ont voulu se justifier de se rattacher à Bonaparte en lui faisant signer une constitution libre ; mais il n’y avoit point d’excuse pour servir Bonaparte ailleurs que sur le champ de bataille. Une fois les étrangers aux portes de la France, il falloit leur en défendre l’entrée : l’estime de l’Europe elle-même ne se regagnoit qu’à ce prix. Mais c’étoit dégrader les principes de la liberté que d’en entourer un ci-devant despote ; c’étoit mettre de l’hypocrisie dans les plus sincères des vérités humaines. En effet, comment Bo-