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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

CHAPITRE XIV.

De la conduite de Bonaparte à son retour.

SI c’étoit un crime de rappeler Bonaparte, c’étoit une niaiserie de vouloir masquer un tel homme en roi constitutionnel ; du moment qu’on le reprenait, il falloit lui donner la dictature militaire, rétablir la conscription, faire lever la nation en masse, enfin ne pas s’embarraser de la liberté, quand l’indépendance étoit compromise. L’on déconsidéroit nécessairement Bonaparte, en lui faisant tenir un langage tout contraire à celui qui avoit été le sien pendant quinze ans. Il étoit clair qu’il ne pouvoit proclamer des principes si différens de ceux qu’il avoit suivis, quand il étoit tout-puissant, que parce qu’il y étoit forcé par les circonstances ; or, qu’est-ce qu’un tel homme, quand il se laisse forcer ? La terreur qu’il inspirait, la puissance qui résultoit de cette terreur n’existoient plus ; c’étoit un ours muselé qu’on entendoit murmurer encore, mais que ses conducteurs faisoient danser à leur façon. Au lieu d’obliger à parler constitution, pendant des heures en-