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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

naison qui pût accabler les amis de la liberté, c’étoit qu’un despote se mît dans leurs rangs, se plaçât, pour ainsi dire, à leur tête, et que les ennemis de toute idée libérale eussent un prétexte pour confondre les violences populaires avec les maux du despotisme, et faire ainsi passer la tyrannie sur le compte de la liberté même. Il est résulté de cette fatale combinaison, que les François ont été haïs par les souverains pour avoir voulu être libres, et par les nations pour n’avoir pas su l’être. Sans doute il a fallu de grandes fautes pour amener un tel résultat ; mais les injures que ces fautes ont provoquées plongeroient toutes les idées dans la confusion, si l’on n’essayoit pas de montrer que les François, comme tout autre peuple, ont été victimes des circonstances qu’amènent les grands bouleversemens dans l’ordre social.

Si l’on veut toutefois blâmer, n’y auroit-il donc rien à dire sur ces royalistes qui se sont laissé enlever le roi sans qu’une amorce ait été brûlée pour le défendre ? Certes, ils doivent se rallier aux institutions nouvelles, puisqu’il est si manifeste qu’il ne reste plus rien à l’aristocratie de son ancienne énergie. Ce n’est pas assurément que les gentilshommes ne soient, comme tous les François, de la plus brillante