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CONSIDÉRATIONS

avoient gagnées avec lui : comment pouvoient-ils résister ? Dans quelques années, le nom du roi, les bienfaits de la liberté, devoient captiver tous les esprits, et les soldats auroient appris de leurs parens à respecter le bonheur public. Mais il y avoit à peine dix mois que Bonaparte étoit éloigné, et son départ datoit d’un événement qui devoit désespérer les guerriers, l’entrée des étrangers dans la capitale de la France. Mais, diront encore les accusateurs de notre pays, si l’armée est excusable, que penserez-vous des paysans, des habitans des villes qui ont accueilli Bonaparte ? Je ferai dans la nation la même distinction que dans l’armée. Les hommes éclairés n’ont pu voir dans Bonaparte qu’un despote ; mais, par un concours de circonstances bien funestes, on a présenté ce despote au peuple comme le défenseur de ses droits. Tous les biens acquis par la révolution, auxquels la France ne renoncera jamais volontairement, étoient menacés par les continuelles imprudences du parti qui veut refaire la conquête des François, comme s’ils étoient encore des Gaulois ; et la partie de la nation qui craignoit le plus le retour de l’ancien régime, a cru voir dans Bonaparte un moyen de s’en préserver. La plus fatale combi-