rante ans, ne connoissoient pas les Bourbons, et ils s’étoient battus depuis vingt années sous les ordres de Bonaparte ; pouvoient-ils tirer sur leur général ? Et, dès qu’ils ne tiroient pas sur lui, ne devaient-ils pas être entraînés à le suivre ? Les hommes vraiment coupables sont ceux qui, après s’être approchés de Louis XVIII, après en avoir obtenu des grâces, et lui avoir fait des promesses, ont pu se réunir à Bonaparte ; le mot, l’horrible mot de trahison est fait pour ceux-là ; mais il est cruellement injuste de l’adresser à l’armée françoise. Les gouvernemens qui ont mis Bonaparte dans le cas de revenir, doivent s’accuser de son retour. Car de quel sentiment naturel se seroit-on servi, pour persuader à des soldats qu’ils devoient tuer le général qui les avoit conduits vingt fois à la victoire ? le général que les étrangers avoient destitué, qui s’étoit battu contre eux avec les François, il y avoit à peine une année ? Toutes les réflexions qui nous faisoient haïr cet homme et chérir le roi n’étoient à la portée ni des soldats, ni des officiers du second ordre. Ils avoient été fidèles quinze ans à l’empereur, cet empereur s’avançoit vers eux sans défense ; il les appeloit par leur nom, il leur parloit des batailles qu’ils
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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE