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CONSIDÉRATIONS

CHAPITRE XIII.

Retour de Bonaparte.

NON jamais je n’oublierai le moment où j’appris par un de mes amis, le matin du 6 mars 1815, que Bonaparte étoit débarqué sur les côtes de France ; j’eus le malheur de prévoir à l’instant les suites de cet événement, telles qu’elles ont eu lieu depuis, et je crus que la terre alloit s’entr’ouvrir sous mes pas. Pendant plusieurs jours, après le triomphe de cet homme, le secours de la prière m’a manqué complètement ; et, dans mon trouble, il me sembloit que la Divinité s’étoit retirée de la terre, et qu’elle ne vouloit plus communiquer avec les êtres qu’elle y a mis.

Je souffrais jusqu’au fond du cœur, par les circonstances où je me trouvais personnellement ; mais la situation de la France absorboit toute autre pensée. Je dis à M. de Lavalette, que je rencontrai presque à l’heure même où cette nouvelle retentissoit autour de nous : « C’en est fait de la liberté si Bonaparte triomphe, et de l’indépendance nationale s’il est battu. » L’événement n’a que