Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
CONSIDÉRATIONS

Aucune confiscation, aucun exil, aucune arrestation illégale n’a eu lieu pendant dix mois : quels progrès en sortant de quinze ans de tyrannie ! A peine si l’Angleterre est arrivée à ce noble bonheur trente ans après la mort de Cromwell ! Enfin il n’étoit pas douteux que dans la session suivante on n’eût décrété la liberté de la presse. Or, l’on peut appliquer à cette loi, la première d’un état libre, les paroles de l’Écriture : « Que la lumière soit, et la lumière fut. »

La plus grande erreur de la charte, le mode d’élection et les conditions d’éligibilité, étoit déjà reconnue par tous les hommes éclairés, et des changemens à cet égard auroient été la conséquence naturelle de la liberté de la presse, puisqu’elle met toujours les grandes vérités en évidence : l’esprit, le talent d’écrire, l’exercice de la pensée, tout ce que le règne des baïonnettes avoit étouffé se remontroit par degrés ; et, si l’on a parlé constitution à Bonaparte, c’est parce qu’on avoit respiré pendant dix mois sous Louis XVIII.

Quelques vanités se plaignoient, quelques imaginations étoient inquiètes, les écrivains stipendiés, en parlant chaque jour à la nation de son bonheur, l’en faisoient douter ; mais quand