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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

nobles s’enorgueillissent de leur généalogie ; chaque homme et chaque classe a sa prétention disputée. Mais qu’avoit-on à craindre de ces prétentions en France maintenant ? L’on ne pouvoit redouter pour la liberté, dans la première époque de la restauration, que le malheur qui l’a frappée : un mouvement militaire, ramenant un chef despotique, dont le retour et la défaite servoient de motif et de prétexte à l’établissement des étrangers en France.

Louis XVIII étoit essentiellement magistrat, par son esprit et par son caractère. Autant il est absurde de regarder le passé comme le despote du présent, autant il est désirable d’ajouter, quand on le peut, l’appui de l’un au perfectionnement de l’autre. La chambre haute avoit l’avantage d’inspirer à quelques grands seigneurs le goût des institutions nouvelles. En Angleterre, les ennemis les plus décidés du pouvoir arbitraire se trouvent parmi les patriciens du premier rang ; et ce seroit un grand bonheur pour la France, si les nobles vouloient enfin aimer et comprendre les institutions libres. Il y a des qualités attachées à une illustre naissance dont il est heureux que l’état profite. Un peuple tout de bourgeois auroit de la peine à se constituer au milieu de l’Europe, à moins qu’il