Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
CONSIDÉRATIONS

insuffisantes pour opposer une barrière efficace aux empiétemens du pouvoir, qu’elles aient été graduellement enfreintes et oblitérées, peu importe : elles devroient commencer d’aujourd’hui, quand on ne pourroit pas prouver leur antique origine.

On est honteux de remonter aux titres de l’histoire, pour prouver qu’une chose aussi absurde qu’injuste ne doit être ni adoptée, ni maintenue. On n’a point allégué en faveur de l’esclavage les quatre mille ans de sa durée ; le servage qui lui a succédé n’a pas paru plus équitable, pour avoir duré plus de dix siècles ; la traite des nègres n’a point été défendue comme une ancienne institution de nos pères. L’inquisition et la torture, qui sont de plus vieille date, ont été, j’en conviens, rétablies dans un état de l’Europe ; mais je n’imagine pas que ce soit avec l’approbation des défenseurs mêmes de tout ce qui a jadis existé. Il seroit curieux de savoir à laquelle des générations de nos pères l’infaillibilité a été accordée. Quel est ce temps passé qui doit servir de modèle au temps actuel, et dont on ne peut se départir d’une ligne sans tomber dans des innovations pernicieuses ? Si tout changement, quelle que soit son influence sur le bien général