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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

fendre le pays, que les divers partis ont courtisé les troupes de ligne. Bonaparte, comme dans les siècles de barbarie, prétendoit que tout le secret de l’ordre social consistoit dans les baïonnettes. Comment sans elles, dira-t-on, pourriez-vous faire marcher ensemble les protestans et les catholiques, les républicains et les Vendéens ? Tous ces élémens de discorde existoient sous des noms différens en Angleterre, en 1688 ; mais l’invincible ascendant d’une constitution mise à flot par des pilotes habiles et sincères, a tout soumis à la loi.

Une assemblée de députés vraiment élus par la nation exerce une puissance majestueuse ; et les ministres du monarque dans l’âme desquels on sentira l’amour de la patrie et de la liberté, trouveront partout des François qui les aideront, même à leur insu ; parce qu’alors les opinions, et non les intérêts, formeront le lien entre le gouvernement et les gouvernés. Mais si vous chargez, ne cessons de le répéter, les individus qui haïssent les institutions libres, de les faire marcher, quelque honnêtes qu’ils soient, quelque résolus qu’ils puissent être à tenir leur promesse, sans cesse le désaccord se fera sentir entre leur penchant involontaire et leur impérieux devoir.