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CONSIDÉRATIONS

à la mort ; mais il renonceroit à ces flatteries officieuses qui nuisent à la vérité, au lieu d’accroître l’attachement. Beaucoup de souverains de l’Europe sont très-obéis, sans exiger l’apothéose. Pourquoi donc en France les écrivains la prodiguent-ils en toute occasion ? Un ami de la liberté ne souffriroit jamais que la France fût insultée par aucun homme qui dépendît en rien de l’autorité. N’entend-on pas dire à quelques émigrés que le roi seul est la patrie, qu’on ne peut se fier aux François, etc. ? Quelle est la conséquence de ces propos insensés ? quelle est-elle ? Qu’il faut gouverner a France par des armées étrangères. Quel blasphème ! quel attentat ! Sans doutes ces armées sont plus fortes que nous maintenant, mais elles n’auroient jamais l’assentiment volontaire d’un cœur françois ; et, à quelque état que Bonaparte ait réduit la France, il y a dans un ministre, ami de la liberté, telle dignité de caractère, tel amour pour son pays, tel noble respect pour le monarque et pour la loi, qui écarteroient toutes les arrogances de la force armée, quels qu’en fussent les chefs. De tels ministres, ne se permettant jamais un acte arbitraire, ne seroient point dans la dépendance du militaire ; car, c’est bien plus pour établir le despotisme que pour dé-