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CONSIDÉRATIONS

même usurpateur pendant sa puissance, et qui s’en étoient séparés bien nettement le jour de sa chute. L’enthousiasme pour la légitimité de tel chambellan de Madame mère, ou de telle dame d’atour de Madame sœur, ne connoissoit point de bornes ; et certes, nous autres que Bonaparte avoit proscrits pendant tout le cours de son règne, nous nous examinions pour savoir si nous n’avions pas été ses favoris, quand une certaine délicatesse d’âme nous obligeoit à le défendre contre les invectives de ceux qu’il avoit comblés de bienfaits.

On aperçoit souvent une arrogance contenue dans les aristocrates ; mais certes les bonapartistes en avoient eu plus encore pendant les jours de leur pouvoir ; et du moins les aristocrates s’en tenoient alors à leurs armes ordinaires, les airs contraints, les politesses cérémonieuses, les conversations à voix basse, enfin tout ce que les yeux fins peuvent observer, mais que les caractères un peu fiers dédaignent. On pouvoit aisément deviner que les royalistes outrés se commandoient les égards qu’ils montroient au parti contraire : mais il leur en coûtoit plus encore d’en témoigner aux amis de la liberté, qu’aux généraux de Bonaparte ; et ces derniers obtenoient d’eux les attentions que des sujets