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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

mande l’appel au peuple, afin qu’il soit condamné par lui. Les girondins avoient raison d’exiger un tribunal compétent, s’il pouvoit en exister un dans cette cause ; mais combien n’auroient-ils pas produit plus d’effet, s’ils l’avoient réclamé en faveur d’un innocent, au lieu de l’invoquer pour un prétendu coupable ? Les François, on ne sauroit trop le répéter, n’ont pas encore appris, dans la carrière civile, à être modérés quand ils sont forts, et hardis quand ils sont faibles ; ils devroient transporter dans la politique toutes leurs vertus guerrières, les affaires en iroient mieux.

Ce qu’on a le plus de peine à concevoir dans cette terrible discussion de la convention nationale, c’est l’abondance de paroles que chacun prodiguoit dans une semblable circonstance. On s’attendoit surtout à trouver dans ceux qui vouloient la mort du roi, une fureur concentrée ; mais montrer de l’esprit, mais faire des phrases : quelle persistance de vanité dans une telle scène !

Thomas Payne étoit le plus violent des démocrates américains ; cependant, comme il n’y avoit point de calcul ni d’hypocrisie dans ses exagérations en politique, quand il fut question du jugement de Louis XVI, il donna le seul avis