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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

cette dignité révolutionnaire étoit respectueusement saluée.

Arrivée chez moi, Manuel me dit qu’on m’expédieroit un nouveau passe-port, sans qu’il me fût permis d’emmener aucune autre personne pour me suivre que ma femme de chambre. Un gendarme devoit me conduire jusqu’à la frontière. Le lendemain Tallien, le même qui délivra vingt mois après la France de Robespierre, au 9 thermidor, vint chez moi, chargé par la commune de m’accompagner jusqu’à la barrière. À chaque instant on apprenoit de nouveaux massacres. Plusieurs personnes, très-compromises alors, étoient dans ma chambre ; je priai Tallien de ne pas les nommer ; il s’y engagea et tint sa promesse. Je montai dans ma voiture avec lui, et nous nous quittâmes sans avoir pu nous dire mutuellement notre pensée ; la circonstance glaçoit la parole sur les lèvres.

Je rencontrai encore dans les environs de Paris quelques difficultés dont je me tirai ; mais en s’éloignant de la capitale, le flot de la tempête sembloit s’apaiser, et dans les montagnes du Jura rien ne rappeloit l’agitation épouvantable dont Paris étoit le théâtre. Cependant on entendoit dire partout aux François qu’ils vou-