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CONSIDÉRATIONS

plaidoyer d’un de ses camarades de prison, traduit devant le tribunal avant le massacre ; le prisonnier fut acquitté, et chacun sut qu’il le devoit à l’éloquence de Lally. M. de Condorcet admiroit son rare talent, et s’employa pour le sauver ; d’ailleurs, M. de Lally trouvoit une protection efficace dans l’intérêt de l’ambassadeur d’Angleterre, qui étoit encore à Paris à cette époque[1]. M. de Jaucourt n’avoit pas le même appui : je me fis montrer la liste de tous les membres de la commune de Paris, alors maîtres de la ville ; je ne les connaissois que par leur terrible réputation, et je cherchois au hasard un motif pour déterminer mon choix. Je me rappelai tout à coup que Manuel, l’un d’entre eux, se mêloit de littérature, et qu’il venoit de publier des Lettres de Mirabeau avec une préface, bien mauvaise, il est vrai, mais dans laquelle cependant on remarquoit la bonne volonté de montrer de l’esprit. Je me persuadai qu’aimer les applaudissemens pouvoit rendre accessible de quelque manière aux sollicitations ; ce fut

  1. Lady Sutherland, à présent marquise de Stafford, alors ambassadrice d’Angleterre, prodigua, dans ces temps affreux, les soins les plus dévoués à la famille royale.