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CONSIDÉRATIONS

Les troupes des Autrichiens et des Prussiens avoient déjà passé la frontière, et l’on répétoit de toutes parts que si les étrangers avançoient, tous les honnêtes gens de Paris seroient massacrés. Plusieurs de mes amis, MM. de Narbonne, Montmorency, Baumets, étoient personnellement menacés, et chacun d’eux se tenoit caché dans la maison de quelque bourgeois. Mais il falloit chaque jour changer de demeure, parce que la peur prenoit à ceux qui donnoient un asile. On ne voulut pas d’abord se servir de ma maison, parce qu’on craignoit qu’elle n’attirât l’attention ; mais d’un autre côté, il me sembloit qu’étant celle d’un ambassadeur, et portant sur la porte le nom d’hôtel de Suède, elle pourroit être respectée, quoique M. de Staël fût absent. Enfin, il n’y eut plus à délibérer, quand on ne trouva plus personne qui osât recevoir les proscrits. Deux d’entre eux vinrent chez moi ; je ne mis dans ma confidence qu’un de mes gens dont j’étois sûre. J’enfermai mes amis dans la chambre la plus reculée, et je passai la nuit dans les appartemens qui donnoient sur la rue, redoutant à chaque instant ce qu’on appeloit les visites domiciliaires.

Un matin, un de mes domestiques, dont je