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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

renversé, ils eurent à se défendre eux-mêmes ; ils n’avoient montré que trop de condescendance envers les horribles instrumens dont on s’étoit servi pour établir la république ; mais les jacobins étoient bien sûrs de finir par les épouvanter de leur propre idole, à force de forfaits ; et l’on eût dit que les scélérats les plus intrépides en fait de crimes essayoient la tête de Méduse sur les différens chefs de parti, afin de se débarrasser de tous ceux qui n’en pouvoient supporter l’aspect.

Les détails de ces horribles massacres repoussent l’imagination, et ne fournissent rien à la pensée. Je m’en tiendrai donc à raconter ce que j’ai vu moi-même à cette époque ; peut-être est-ce la meilleure manière d’en donner une idée.

Pendant l’intervalle du 10 août au 2 septembre, de nouvelles arrestations avoient eu lieu à chaque instant. Les prisons étoient combles ; toutes les adresses du peuple qui, depuis trois ans, annonçoient d’avance ce que les chefs de parti avoient résolu, demandoient la punition des traîtres ; et ce nom s’étendoit aux classes comme aux individus, aux talens comme à la fortune, à l’habit comme aux opinions ; enfin, à tout ce que les lois protègent, et que l’on vouloit anéantir.