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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

amis, et, de quart d’heure en quart d’heure, la patrouille volontaire des constitutionnels nous envoyoit des nouvelles. On nous disoit que les faubourgs s’avançoient, ayant à leur tête Santerre le brasseur, et Westermann, militaire, qui depuis s’est battu contre la Vendée. Personne ne pouvoit prévoir ce qui arriveroit le lendemain, et nul ne s’attendoit alors à vivre au delà d’un jour. Il y eut néanmoins quelques momens d’espoir pendant cette nuit effroyable ; on se flatta, je ne sais pourquoi, peut-être seulement parce qu’on avoit épuisé la crainte.

Tout à coup, à sept heures, le bruit affreux du canon des faubourgs se fait entendre ; et, dans la première attaque, les gardes suisses furent vainqueurs. Le peuple fuyoit dans les rues avec autant d’effroi qu’il avoit eu de fureur. Il faut le dire, le roi devoit alors se mettre à la tête des troupes, et combattre ses ennemis. La reine fut de cet avis, et le conseil courageux qu’elle donna dans cette circonstance à son époux, l’honore et la recommande à la postérité.

Plusieurs bataillons de la garde nationale, entre autres celui des Filles-Saint-Thomas, étoient pleins d’ardeur et de zèle ; mais le roi, en quittant les Tuileries, ne pouvoit plus