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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

extérieure qu’on prenoit pour de la bonne foi, favorisoit toutes les émeutes. Ainsi l’autorité même se mettoit du parti de l’insurrection. L’administration départementale, en vertu d’un article constitutionnel, suspendit Péthion de ses fonctions ; les ministres du roi confirmèrent cet arrêté, mais l’assemblée rétablit le maire dans sa place, et son ascendant s’accrut par sa disgrâce momentanée. Un chef populaire ne peut rien désirer de mieux qu’une persécution apparente, suivie d’un triomphe réel.

Les Marseillais envoyés au Champ de Mars pour célébrer le 14 juillet portoient écrit sur leurs chapeaux déguenillés : Péthion, ou la Mort ! Ils passoient devant l’espèce d’estrade sur laquelle étoit placée la famille royale, en criant : Vive Péthion ! misérable nom que le mal même qu’il a fait n’a pu sauver de l’obscurité ! À peine quelques faibles voix faisoient entendre : Vive le roi ! comme un dernier adieu, comme une dernière prière.

L’expression du visage de la reine ne s’effacera jamais de mon souvenir : ses yeux étoient abîmés de pleurs ; la splendeur de sa toilette, la dignité de son maintien, contrastoient avec le cortège dont elle étoit environnée. Quelques