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CONSIDÉRATIONS

noient bien à tort la bonne foi. Ces premiers échecs avoient rendu la méfiance générale. Aussi l’assemblée législative poursuivoit-elle sans cesse de dénonciations les ministres, comme des chevaux rétifs que les coups d’éperons ne peuvent faire avancer. Le premier devoir d’un gouvernement, aussi bien que d’une nation, est sans doute d’assurer son indépendance contre l’envahissement des étrangers. Mais une position aussi fausse pouvoit-elle durer ? Et ne valoit-il pas mieux ouvrir les portes de la France au roi qui vouloit en sortir, que de chicaner du matin au soir la puissance ou plutôt la faiblesse royale, et de traiter le descendant de saint Louis, captif sur le trône, comme l’oiseau qu’on attache au sommet d’un arbre, et contre lequel chacun lance des traits tour à tour ?

L’assemblée législative, lassée de la patience même de Louis XVI, imagina de lui présenter deux décrets, auxquels sa conscience et sa sûreté ne lui permettoient pas de donner sa sanction. Par le premier, on condamnoit à la déportation tout prêtre qui avoit refusé de prêter serment, s’il étoit dénoncé par vingt citoyens actifs, c’est-à-dire, payant une contribution ; et par le second, on appeloit à Paris une légion de Marseillais qu’on avoit décidés à conspirer