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CONSIDÉRATIONS

que ses avis pouvoient produire. Mais dans les débats politiques où la masse d’une nation prend part, il n’y a que la voix des événemens qui soit entendue ; les argumens n’inspirent que le désir de leur répondre.

L’assemblée législative, qui voyoit la rupture prête à éclater, sentoit aussi que le roi ne pouvoit guère s’intéresser aux succès des François combattant pour la révolution. Elle se défioit des ministres, persuadée qu’ils ne vouloient pas sincèrement repousser les ennemis dont ils invoquoient en secret l’assistance. On confia le département de la guerre, à la fin de 1791, à M. de Narbonne, qui a péri depuis dans le siège de Torgau. Il s’occupa avec un vrai zèle de tous les préparatifs nécessaires à la défense du royaume. Grand seigneur, homme d’esprit, courtisan et philosophe, ce qui dominoit dans son âme, c’étoit l’honneur militaire et la bravoure françoise. S’opposer aux étrangers, dans quelque circonstance que ce fût, lui paraissoit toujours le devoir d’un citoyen et d’un gentilhomme. Ses collègues se liguèrent contre lui, et parvinrent à le faire renvoyer : ils saisirent le moment où sa popularité dans l’assemblée étoit diminuée, pour se débarrasser d’un homme qui faisoit son métier de ministre de la guerre