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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

avons à décrire ! quels maux nous avons à redouter ! Il nous faudra demander compte encore une fois à Bonaparte de la France, puisque ce pays, trop confiant et trop guerrier, s’est encore une fois remis à lui de son sort.

Dans les diverses observations que je viens de rassembler sur Bonaparte, je n’ai point approché de sa vie privée que j’ignore, et qui ne concerne pas les intérêts de la France. Je n’ai pas dit un fait douteux sur son histoire ; car les calomnies qu’on lui a prodiguées me semblent plus viles encore que les adulations dont il fut l’objet. Je me flatte de l’avoir jugé comme tous les hommes publics doivent l’être, d’après ce qu’ils ont fait pour la prospérité, les lumières et la morale des nations. Les persécutions que Bonaparte m’a fait éprouver n’ont pas, je puis l’attester, exercé d’influence sur mon opinion. Il m’a fallu plutôt, au contraire, résister à l’espèce d’ébranlement que produisent sur l’imagination un génie extraordinaire et une destinée redoutable. Je me serois même assez volontiers laissé séduire par la satisfaction que trouvent les âmes fières à défendre un homme malheureux, et par le plaisir de se placer ainsi plus en contraste avec ces écrivains et ces orateurs qui, prosternés hier devant lui,