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CONSIDÉRATIONS

n’avoir pas besoin de cacher ce sentiment françois devant eux : toutefois il me fallut apprendre, au milieu des transports de joie dont la ville des vainqueurs retentissoit, que Paris étoit au pouvoir des alliés. Il me sembla dans cet instant qu’il n’y avoit plus de France : je crus la prédiction de Burke accomplie, et que là où elle existoit on ne verroit plus qu’un abîme. L’empereur Alexandre, les alliés, et les principes constitutionnels adoptés par la sagesse de Louis XVIII, éloignèrent ce triste pressentiment.

Bonaparte entendit alors de toutes parts la vérité si long-temps captive. C’est alors que des courtisans ingrats méritèrent le mépris de leur maître pour l’espèce humaine. En effet, si les amis de la liberté respectent l’opinion, désirent la publicité, cherchent partout l’appui sincère et libre du vœu national, c’est parce qu’ils savent que la lie des âmes se montre seule dans les secrets et les intrigues du pouvoir arbitraire.

Il y avoit cependant encore de la grandeur dans les adieux de Napoléon à ses soldats et à leurs aigles si long-temps victorieuses : sa dernière campagne avoit été longue et savante ; enfin le prestige funeste qui rattachoit à lui la