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CONSIDÉRATIONS

Les nations ne peuvent avoir tort : jamais un principe pervers n’agit long-temps sur la masse ; les hommes ne sont mauvais qu’un à un.

Bonaparte fit, ou plutôt la nation fit pour lui un miracle. Malgré ses pertes immenses en Russie, elle créa, en moins de trois mois, une nouvelle armée qui put marcher en Allemagne et y gagner encore des batailles. C’est alors que le démon de l’orgueil et de la folie se saisit de Bonaparte, d’une façon telle que le raisonnement fondé sur son propre intérêt ne peut plus expliquer les motifs de sa conduite : c’est à Dresde qu’il a méconnu la dernière apparition de son génie tutélaire.

Les Allemands, depuis long-temps indignés, se soulevèrent enfin contre les François qui occupoient leur pays ; la fierté nationale, cette grande force de l’humanité, reparut parmi les fils des Germains. Bonaparte apprit alors ce qu’il advient des alliés qu’on a contraints par la force, et combien tout ce qui n’est pas volontaire se détruit au premier revers. Les souverains de l’Allemagne se battirent avec l’intrépidité des simples soldats, et l’on crut voir dans les Prussiens et dans leur roi guerrier, le souvenir de l’insulte personnelle que