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CONSIDÉRATIONS

monarque, et la fierté nationale ; le temps en développera successivement d’autres.

J’étois à Moscou un mois, jour pour jour, avant que l’armée de Napoléon y entrât, et je n’osai m’y arrêter que peu de momens, craignant déjà son approche. En me promenant au haut du Kremlin, palais des anciens czars, qui domine sur l’immense capitale de la Russie et sur ses dix-huit cents églises, je pensois qu’il étoit donné à Bonaparte de voir les empires à ses pieds, comme Satan les offrit à Notre-Seigneur. Mais c’est lorsqu’il ne lui restoit plus rien à conquérir en Europe, que la destinée l’a saisi, pour le faire tomber aussi rapidement qu’il étoit monté. Peut-être a-t-il appris depuis que, quels que soient les événemens des premières scènes, il existe une puissance de vertu qui reparoît toujours au cinquième acte des tragédies ; comme, chez les anciens, un dieu tranchoit le nœud quand l’action en étoit digne.

La persévérance admirable de l’empereur Alexandre, en refusant la paix que Bonaparte lui offroit, selon sa coutume, quand il fut vainqueur ; l’énergie des Russes qui ont mis le feu à Moscou, pour que le martyre d’une ville sauvât le monde chrétien, contribuèrent cer-