Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
404
CONSIDÉRATIONS

élégance naturelle, sont extraordinaires ; aucun danger n’a d’existence à leurs yeux ; ils ne croient pas que rien soit impossible quand leur maître le commande. Ce mot de maître, dont les courtisans font un objet de flatterie et de calcul, ne produit pas le même effet sur un peuple presque asiatique. Le monarque, étant chef du culte, fait partie de la religion ; les paysans se prosternent en présence de l’empereur, comme ils saluent l’église devant laquelle ils passent ; aucun sentiment servile ne se mêle à ce qu’ils témoignent à cet égard.

Grâce à la sagesse éclairée du souverain actuel, toutes les améliorations possibles s’accompliront graduellement en Russie. Mais il n’est rien de plus absurde que les discours répétés d’ordinaire par ceux qui redoutent les lumières d’Alexandre. « Pourquoi, disent-ils, cet empereur, dont les amis de la liberté sont si enthousiastes, n’établit-il pas chez lui le régime constitutionnel qu’il conseille aux autres pays ? » C’est une des mille et une ruses des ennemis de la raison humaine, que de vouloir empêcher ce qui est possible et désirable pour une nation, en demandant ce qui ne l’est pas actuellement chez une autre. Il n’y a point encore de tiers état en Russie : comment donc