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CONSIDÉRATIONS

n’osoit plus lui parler avec vérité sur rien. Il a fini par ignorer qu’il faisoit froid à Moscou dès le mois de novembre, parce que personne, parmi ses courtisans, ne s’est trouvé assez romain pour oser lui dire une chose aussi simple.

En 1811, Napoléon avoit fait insérer et désavouer en même temps, dans le Moniteur, une note secrète, imprimée dans les journaux anglois, comme ayant été adressée par son ministre des affaires étrangères à l’ambassadeur de Russie. Il y étoit dit que l’Europe ne pouvoit être en paix tant que l’Angleterre et sa constitution subsisteroient. Que cette note fût authentique ou non, elle portoit du moins le cachet de l’école de Napoléon, et exprimoit certainement sa pensée. Un instinct, dont il ne pouvoit se rendre compte, lui apprenoit que tant qu’il y auroit un foyer de justice et de liberté dans le monde, le tribunal qui devoit le condamner tenoit ses séances permanentes.

Bonaparte joignoit peut-être à la folle idée de la guerre de Russie celle de la conquête de la Turquie, du retour en Égypte, et de quelques tentatives sur les établissemens des Anglois dans l’Inde ; tels étoient les projets gigantesque avec lesquels il se rendit la première fois à Dresde, traînant après lui les armées de tout