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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

et, bien que Bonaparte détruisît les républiques, et qu’il excitât les rois et les princes à des actes de tyrannie, contraires même à leur modération naturelle, on croyoit encore que tout cela finiroit par de la liberté, et souvent lui-même parloit de constitution, du moins quand il s’agissoit du règne de son fils. Toutefois le premier pas que Napoléon ait fait vers sa ruine, c’est l’entreprise contre l’Espagne ; car il a trouvé là une résistance nationale, la seule dont l’art ni la corruption de la diplomatie ne pussent le débarrasser. Il ne s’est pas douté du danger qu’une guerre de villages et de montagnes pouvoit faire courir à son armée ; il ne croyoit point à la puissance de l’âme ; il comptoit les baïonnettes ; et comme, avant l’arrivée des armées angloises, il n’y en avoit presque point en Espagne, il n’a pas su redouter la seule puissance invincible, l’enthousiasme de tout un peuple. Les François, disoit Bonaparte, sont des machines nerveuses ; et il vouloit expliquer par là le mélange d’obéissance et de mobilité qui est dans leur nature. Ce reproche est peut-être juste ; mais il est pourtant vrai qu’une persévérance invincible, depuis près de trente ans, se trouve au fond de ces défauts, et c’est parce que Bo-