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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

désirs étoient des présages, et ses desseins des oracles.

La durée du pouvoir de Bonaparte étoit une leçon d’immoralité continuelle : s’il avoit toujours réussi, qu’aurions-nous pu dire à nos enfans ? Il nous seroit toujours resté sans doute la jouissance religieuse de la résignation, mais la masse des habitans de la terre auroit en vain cherché les intentions de la Providence dans les affaires humaines.

Toutefois, en 1811, les Allemands appeloient encore Bonaparte l’homme de la destinée ; l’imagination de quelques Anglois même étoit ébranlée par ses talens extraordinaires. La Pologne et l’Italie espéroient encore de lui leur indépendance, et la fille des Césars étoit devenue son épouse. Cet insigne honneur lui causa comme un transport de joie, étranger à sa nature ; et, pendant quelque temps, on dut croire que cette illustre compagne pourroit changer le caractère de celui que le sort avoit rapproché d’elle. Il ne falloit encore, à cette époque, à Bonaparte, qu’un sentiment honnête pour être le plus grand souverain du monde ; soit l’amour paternel, qui porte les hommes à soigner l’héritage de leurs enfans ; soit la pitié pour ces François, qui se faisoient