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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

pouvoit diriger les lois contre ses adversaires, comme une batterie ? L’assemblée constituante ne persécuta jamais ni les individus, ni les classes ; mais l’assemblée suivante ne fit que des décrets de circonstance, et l’on ne sauroit guère citer une résolution prise par elle, qui pût durer au delà du moment qui l’avoit dictée.

l’arbitraire, contre lequel la révolution devoit être dirigée, avoit acquis une nouvelle force par cette révolution même ; en vain prétendoit-on tout faire pour le peuple : les révolutionnaires n’étoient plus que les prêtres d’un dieu Moloch, appelé l’intérêt de tous, qui demandoit le sacrifice du bonheur de chacun. En politique, persécuter ne mène à rien, qu’à la nécessité de persécuter encore ; et tuer n’est pas détruire. On a dit, avec une atroce intention, que les morts seuls ne reviennent pas ; et cette maxime n’est pas même vraie, car les enfans et les amis des victimes sont plus forts par les ressentimens que ne l’étoient par leurs opinions ceux même qu’on a fait périr. Il faut éteindre les haines et non pas les comprimer. La réforme est accomplie dans un pays, quand on a su rendre les adversaires de cette réforme fastidieux, mais non victimes.