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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

l’arbre par la racine pour en avoir le fruit, et peut-être a-t-il desséché le sol même. Enfin Bonaparte, maître absolu de quatre-vingts millions d’hommes, ne rencontrant plus d’opposition nulle part, n’a su fonder ni une institution dans l’état, ni un pouvoir stable pour lui-même. Quel est donc le principe destructeur qui suivoit ses pas triomphans ? quel est-il ? le mépris des hommes, et par conséquent de toutes les lois, de toutes les études, de tous les établissemens, de toutes les institutions dont la base est le respect pour l’espèce humaine. Bonaparte s’est enivré de ce mauvais vin du machiavélisme ; il ressembloit, sous plusieurs rapports, aux tyrans italiens du quatorze et du quinzième siècle ; et, comme il avoit peu lu, l’instruction ne combattoit point dans sa tête la disposition naturelle de son caractère. L’époque du moyen âge étant la plus brillante de l’histoire des Italiens, beaucoup d’entre eux n’estiment que trop les maximes des gouvernemens d’alors ; et ces maximes ont toutes été recueillies par Machiavel.

En relisant dernièrement en Italie son fameux écrit du Prince, qui trouve encore des croyans parmi les possesseurs du pouvoir, un fait nouveau et une conjecture nouvelle m’ont