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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

vérité pour être éloquent, il faut des principes justes pour raisonner, il faut du courage d’âme pour avoir des élans de génie ; et rien de semblable ne peut se trouver dans ces écrivains qui suivent à tout vent la direction de la force.

Les journaux étoient remplis des adresses à l’empereur, des promenades de l’empereur, de celles des princes et des princesses, des étiquettes et des présentations à la cour. Ces journaux, fidèles à l’esprit de servitude, trouvoient le moyen d’être fades à l’époque du bouleversement du monde ; et, sans les bulletins officiels qui venoient de temps en temps nous apprendre que la moitié de l’Europe étoit conquise, on auroit pu croire qu’on vivoit sous des berceaux de fleurs, et qu’on n’avoit rien de mieux à faire que de compter les pas des Majestés et des Altesses impériales, et de répéter les paroles gracieuses qu’elles avoient bien voulu laisser tomber sur la tête de leurs sujets prosternés. Est-ce ainsi que les hommes de lettres, que les magistrats de la pensée, doivent se conduire en présence de la postérité ?

Quelques personnes, cependant, ont tenté d’imprimer des livres sous la censure de la police ; mais qu’en arrivoit-il ? une persécution comme celle qui m’a forcée de m’enfuir par