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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

résulte de l’amour-propre : on s’épuisoit à leur rappeler les circonstances, et à leur en déduire les causes ; on passoit tour à tour de la théorie à l’expérience, et de l’expérience à la théorie, pour leur en montrer l’identité ; et, s’ils consentoient à répondre, ils nioient les faits les plus authentiques, et combattoient les observations les plus évidentes, en y opposant quelques maximes communes, bien qu’exprimées avec éloquence. Ils se regardoient entre eux comme s’ils avoient été seuls dignes de s’entendre, et s’encourageoient par l’idée que tout étoit pusillanimité dans la résistance à leur manière de voir. Tels sont les signes de l’esprit de parti chez les François : le dédain pour leurs adversaires en est la base, et le dédain s’oppose toujours à la connaissance de la vérité ; les girondins méprisèrent les constitutionnels jusqu’à ce qu’ils eussent fait descendre, sans le vouloir, la popularité dans les derniers rangs de la société ; ils se virent traités de têtes faibles à leur tour, par des caractères féroces ; le trône qu’ils attaquoient leur servoit d’abri, et ce ne fut qu’après en avoir triomphé, qu’ils furent à découvert devant le peuple : les hommes, en révolution, ont souvent plus à craindre de leurs succès que de leurs revers.