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CONSIDÉRATIONS

de la presse, ce qu’un despote, de l’esprit même le plus supérieur, ne parvient jamais à savoir, c’est la vérité qui pourroit lui déplaire.

Le commerce, le crédit, tout ce qui demande une action spontanée dans la nation, et une garantie certaine contre les caprices du gouvernement, ne s’adaptoit point au système de Bonaparte. Les contributions des pays étrangers en étoient la seule base. On respectoit assez la dette publique, ce qui donnoit une apparence de bonne foi au gouvernement, sans le gêner beaucoup, vu la petitesse de la somme. Mais les autres créanciers du trésor public savoient que d’être payé ou de ne l’être pas, devoit être considéré comme une chance dans laquelle ce qui entroit le moins, c’étoit leur droit. Aussi personne n’imaginoit-il de prêter rien à l’état, quelque puissant que fût son chef, et précisément parce qu’il étoit trop puissant. Les décrets révolutionnaires, que quinze ans de troubles avoient entassés, étoient pris ou laissés selon la décision du moment. Il y avoit presque toujours sur chaque affaire une loi pour et contre, que les ministres appliquoient selon leur convenance. Les sophismes qui n’étoient que de luxe, puisque l’autorité pouvoit tout, jus-