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CONSIDÉRATIONS

grands chemins, des canaux qui facilitoient les communications des départemens entre eux ; enfin, tout ce qui pouvoit frapper l’imagination, en montrant, comme dans le Simplon et le mont Cenis, que la nature obéissoit à Napoléon presque aussi docilement que les hommes. Ces prodiges divers se sont opérés, parce qu’il pouvoit porter sur chaque point en particulier les tributs et le travail de quatre-vingts millions d’hommes ; mais les rois d’Égypte et les empereurs romains ont eu, sous ce rapport, d’aussi grands titres à la gloire. Ce qui constitue le développement moral des peuples, dans quel pays Bonaparte s’en est-il occupé ? Et que de moyens, au contraire, n’a-t-il pas employés en France pour étouffer l’esprit public, qui s’étoit accru malgré les mauvais gouvernemens enfantés par les passions ?

Toutes les autorités locales, dans les provinces, ont été par degrés supprimées ou annulées ; il n’y a plus en France qu’un seul foyer de mouvement, Paris ; et l’instruction qui naît de l’émulation a dépéri dans les provinces, tandis que la négligence avec laquelle on entretenoit les écoles achevoit de consolider l’ignorance, si bien d’accord avec la servitude. Cependant, comme les hommes qui ont de l’esprit éprou-