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CONSIDÉRATIONS

devoir et se servir de ses facultés pour l’accomplir, je répondrai que, si vous défendez aujourd’hui de raisonner contre vos ordres, vous trouverez mauvais demain qu’on n’ait pas raisonné contre ceux d’un autre ; tous les partis qui exigent, en matière de politique comme en matière de foi, qu’on renonce à l’exercice de sa pensée, veulent seulement que l’on pense comme eux, quoi qu’il arrive ; et cependant, quand on transforme les soldats en machines, si ces machines cèdent à la force, on n’a pas le droit de s’en plaindre. L’on ne sauroit se passer de l’opinion des hommes pour les gouverner. L’armée, comme toute autre association, doit savoir qu’elle fait partie d’un état libre, et défendre, envers et contre tous, la constitution légalement établie. L’armée françoise peut-elle ne pas se repentir amèrement aujourd’hui de cette obéissance aveugle envers son chef, qui a perdu la France ? Si les soldats n’avoient pas cessé d’être des citoyens, ils seroient encore les soutiens de leur patrie.

Il faut en convenir toutefois, et de bon cœur, c’est une funeste invention que les troupes de ligne ; et si l’on pouvoit les supprimer à la fois dans toute l’Europe, l’espèce humaine auroit fait un grand pas vers le perfectionnement de