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CONSIDÉRATIONS

comptant sur les fautes de ses ennemis qu’il méprise, et prêt à sacrifier ses partisans, dont il ne se soucie guère, s’il n’obtient pas avec eux la victoire.

On l’a vu, dans la guerre d’Autriche, en 1809, quitter l’île de Lobau, quand il jugeoit la bataille perdue ; il traversa le Danube, seul avec M. de Czernitchef, l’un des intrépides aides de camp de l’empereur de Russie, et le maréchal Berthier. L’empereur leur dit assez tranquillement, qu’après avoir gagné quarante batailles, il n’étoit pas extraordinaire d’en perdre une ; et, lorsqu’il fut arrivé de l’autre côté du fleuve, il se coucha et dormit jusqu’au lendemain matm, sans s’informer du sort de l’armée françoise, que ses généraux sauvèrent pendant son sommeil. Quel singulier trait de caractère ! Et, cependant, il n’est point d’homme plus actif, plus audacieux dans la plupart des occasions importantes. Mais on diroit qu’il ne sait naviguer qu’avec un vent favorable, et que le malheur le glace tout à coup, comme s’il avoit fait un pacte magique avec la fortune, et qu’il ne pût marcher sans elle.

La postérité, déjà même beaucoup de nos contemporains, objecteront aux antagonistes de Bonaparte l’enthousiasme qu’il inspiroit à