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CONSIDÉRATIONS

CHAPITRE XIV.

Sur l’esprit de l’armée françoise.

IL ne faut pas l’oublier, l’armée françoise a été admirable pendant les dix premières années de la guerre de la révolution. Les qualités qui manquoient aux hommes employés dans la carrière civile, on les retrouvoit dans les militaires : persévérance, dévouement, audace, et même bonté, quand l’impétuosité de l’attaque n’altéroit pas leur caractère naturel. Les soldats et les officiers se faisoient souvent aimer dans les pays étrangers, lors même que leurs armes y avoient fait du mal ; non-seulement ils bravoient la mort avec cette incroyable énergie qu’on retrouvera toujours dans leur sang et dans leur cœur, mais ils supportoient les plus affreuses privations avec une sérénité sans exemple. Cette légèreté, dont on accuse avec raison les François dans les affaires politiques, devenoit respectable, quand elle se transformoit en insouciance du danger, en insouciance même de la douleur. Les soldats françois sourioient au milieu des situations les plus