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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

journalières de toutes les classes. En faisant brûler, dans les villes de sa dépendance, depuis Hambourg jusqu’à Naples, les produits de l’industrie angloise, il révoltoit tous les témoins de ces actes de foi en l’honneur du despotisme. J’ai vu sur la place publique, à Genève, de pauvres femmes se jeter à genoux devant le bûcher où l’on brûloit des marchandises, en suppliant qu’on leur permît d’arracher à temps aux flammes quelques morceaux de toile ou de drap, pour vêtir leurs enfans dans la misère : de pareilles scènes devoient se renouveler partout ; mais, quoique les hommes d’état dans le genre ironique répétassent alors qu’elles ne signifioient rien, elles étoient le tableau vivant d’une absurdité tyrannique, le blocus continental. Qu’est-il résulté des terribles anathèmes de Bonaparte ? La puissance de l’Angleterre s’est accrue dans les quatre parties du monde, son influence sur les gouvernemens étrangers a été sans bornes, et elle devoit l’être, vu la grandeur du mal dont elle préservoit l’Europe. Bonaparte, qu’on persiste à nommer habile, a pourtant trouvé l’art maladroit de multiplier partout les ressources de ses adversaires, et d’augmenter tellement celles de l’Angleterre en particulier, qu’il n’a pu réussir à lui faire qu’un seul mal