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CONSIDÉRATIONS

gères à suivre les drapeaux des François, il falloit un motif qui pût se rattacher, du moins en apparence, au bien public. Nous avons essayé de montrer, dans le chapitre précédent, que si Napoléon avoit pris pour étendard la liberté des peuples, il auroit soulevé l’Europe sans avoir recours aux moyens de terreur ; mais son pouvoir impérial n’y auroit rien gagné, et certes il n’étoit pas homme à se conduire par des sentimens désintéressés. Il vouloit un mot de ralliement qui pût faire croire qu’il avoit en vue l’avantage et l’indépendance de l’Europe, et c’est la liberté des mers qu’il choisit. Sans doute la persévérance et les ressources financières des Anglois s’opposoient à ses projets, et il avoit de plus une aversion naturelle pour leurs institutions libres et la fierté de leur caractère. Mais ce qui lui convenoit surtout, c’étoit de substituer à la doctrine des gouvernemens représentatifs, qui se fonde sur le respect dû aux nations, les intérêts mercantiles et commerciaux, sur lesquels on peut parler sans fin, raisonner sans bornes, et n’atteindre jamais au but. La devise des malheureuses époques de la révolution françoise : Liberté, égalité, donnoit aux peuples une impulsion qui ne devoit pas plaire à Bonaparte ; mais la devise de ses drapeaux : Liberté